Potosi, pour le meilleur et pour le pire…

Potosi, pour le meilleur et pour le pire…

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Potosi, pour le meilleur et pour le pire…

Une très jolie ville, à l’histoire (malheureusement coloniale!) très riche.

Colonialisée par les espagnols au 16ème siècle, la ville représentait un intérêt stratégique très fort pour l’Espagne du fait de la présence d’argent dans le sol du Cerro Rico (littéralement appelée la « montagne riche »), véritable colline-mine.

A l’époque les espagnols ont commencé à exploiter le riche sous-sol de cette montagne alors même qu’elle était sacrée pour les Incas car elle présentait une forme conique symbolisant la pachamama (= la terre mère). Les indigènes ont également été exploités pour servir de main d’œuvre dans le processus de l’extraction de l’argent dans les mines et sa transformation en pièces de monnaie. Pièces qui étaient ensuite envoyées et utilisées dans tout le royaume Espagnol… Pour la petite histoire, l’expression espagnole « Vale un Potosi » (= ça vaut un Potosi, c.a.d. une fortune!) vient bien entendu du « Potosi », la monnaie, fabriquée à Potosi.

C’est cette richesse en minerais qui a fait de la Bolivie l’un des territoires pour lesquels la couronne espagnole s’est le plus longuement battue au moment des guerres d’indépendance qui ont vu naître la Bolivie en 1825, après 16 ans de lutte, notamment menée par le célèbre Bolivar, héros national éponyme du pays actuel.

De cette époque coloniale, la ville (et plus généralement le pays) a gardé de nombreuses caractéristiques. La langue tout d’abord, car même si l’on parle encore pas mal le Quechua, la langue officielle reste l’espagnol. Mais aussi l’architecture coloniale espagnole très visible dans cette belle ville classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il faut reconnaître que la ville est très jolie avec ses belles places, ses jolies maisons coloniales, ses clochers d’église, ses arches, ses petites rues…  La religion également: un catholicisme bien implanté, comme en témoigne les nombreuses églises de la ville. Ce qui n’empêche pas de nombreux habitants de Potosi de continuer à pratiquer le culte inca en parallèle (offrandes à Pachamama, etc.). Et enfin les nombreuses mines qui font du Cerro Rico un vrai morceau de gruyère…

 

Les mines de Potosi

Si l’exploitation pour l’argent a cessé, les mines sont toujours en activité de nos jours pour en extraire du zinc principalement. Une extraction qui reste très « artisanale » et représente encore de très gros risques pour les mineurs: air chargé en poussière épaisse et minerais toxiques souvent respiré sans masque, éboulements, explosions à la dynamite dangereuses, passages de wagons, chutes dans les cavités, blessures aux mains sur-sollicitées et sans gants… L’alcoolisme est un mal fréquent également: échappatoire à la dureté du travail, il n’est pas rare que les travailleurs boivent l’alcool à 90 degrés destinés aux offrandes au « Tio ». (divinité Inca à laquelle les mineurs apportent de l’alcool, des feuilles de coca et d’autres offrandes afin d’avoir une production abondante, le Tio étant censé fertiliser la Pachamama, c’est à dire la terre). Ce qui fait également tenir ces hommes, ce sont les feuilles de coca dont ils font une boule qu’ils mâchent à longueur de journée, et ce d’autant plus que le Cerro est déjà à 3400m d’altitude rendant le travail encore plus pénible.

Plusieurs agences proposent de découvrir les conditions de travail ultra difficiles de ces hommes afin de mieux se rendre compte d’où viennent les matières premières que nous utilisons souvent directement ou indirectement sans avoir conscience de l’impact humain (et environnemental) qu’il représente à l’autre bout de la planète… Après mûre réflexion, je décide de me rendre compte par moi-même en vérifiant auprès de l’agence qu’il ne s’agira pas d’un « tour » voyeuriste mais bien d’une rencontre avec les mineurs. Munie d’un vêtement de protection intégral, d’une lampe, d’un masque et d’un casque, je suis Helen, notre guide, née à Potosi, fille et petite fille de mineurs, pour entrer dans la mine… Nous partons à la rencontre de ces hommes qui nous expliquent comment ils travaillent et nous essayons de leur apporter un peu de réconfort en leur offrant des rafraîchissements (boisson énergétiques à base de malt par exemple) ou des gâteaux.

On trouve dans ces mines des profils très différents: des jeunes gens qui font cela pour payer leurs études, des hommes qui travaillent à la mine car plus rémunératrice que le travail des champs ou quelques heures par jour en complément d’un autre travail, des mineurs depuis plusieurs générations… Je ne peux m’empêcher de penser que mon arrière grand-père a lui aussi connu cela dans les mines américaines des Appalaches puis celles du sud-ouest de la France…

Une expérience bouleversante que de se rendre compte des conditions de travail de ces hommes qui passent entre 7 et 10h, voire plus, sous terre, avec le peu de lumière amenée par leur lampe frontale, dans une atmosphère étouffante de poussière, les bottes dans l’eau, avec les bruit sourd des wagons ou des explosions en fond, pour extraire la roche pour une misère (20 bolivianos le wagon, soit 2 euros…). Ils se déplacent dans des conduits parfois suffisamment hauts pour que l’on se tienne debout, mais le plus souvent très étroits, et auxquels on accède par des échelles, ou au moyen d’une simple corde. Je vous parle de trous verticaux de plus d’une centaines de mètres pas du tout sécurisés…

Cela donne vraiment à réfléchir sur les conditions de travail encore employées de nos jours pour extraire les matières premières nécessaires à un mode de vie capitalistique fondée sur l’ultra consommation et l’ultra compétitivité au détriment de l’humain (sa santé, sa sécurité financière, son bien-être…). Cela fait également écho de façon plus générale aux terribles inégalités dont je suis témoin depuis le début de mon voyage, avec le plus souvent beaucoup de travail pour une rémunération et reconnaissance beaucoup trop faible… A méditer.

 

En pratique:

  • Visite guidée en français de La Casa de la Moneda, musée expliquant la fabrication de la monnaie à l’époque: extrêmement intéresant: 30bvs. Fabrication de sa propre pièce de monnaie souvenir en bronze: 30bvs (très sympa).
  • Visite de la mine avec Los Amigos de Bolivia: 80bvs + achats de boissons et autres pour les mineurs. Intéressant afin de mieux comprendre, mais pas anodin car cela ne peut vraiment pas laisser indifférent, on ne se rend malheureusement que trop bien compte de la difficulté du travail et des conditions de travail dans ces mines.
  • Visite de la Cathédrale avec vue la ville et le Cerro Rico: très beau!

Fun Fact:

Les lettres P et S entremêlées étaient utilisées pour désigner le Potosi et c’est ce même sigle qui a servi de modèle au célèbre symbole du dollar américain $…

 

 

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