3 mois après…

3 mois après…

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Voilà déjà 3 mois, jour pour jour, que je suis rentrée, et que le brouillon de cet article traîne dans un coin (numérique) de mon PC.

Je repousse le moment de le finaliser depuis que mes pieds ont touché le tarmac de Roissy, un peu comme si cela signifiait admettre que je suis vraiment revenue à ma vie parisienne après 7 mois de voyage aussi riches qu’intenses.

Mais il est clairement venu pour moi le moment de dresser un petit bilan de cette aventure. De plus, vous êtes nombreux à me demander ce que ce voyage a changé ou va changer pour moi, ce que cela m’a apporté, m’a permis d’apprendre…. Comment est-ce que je vis le retour?

Or il n’est pas toujours facile de répondre à ces questions au détour d’une conversation. Voici quelques éléments de réponse sur ce qu’a pu représenter ce voyager pour moi.

 

Un voyage hors du temps

7 mois d’une vie, c’est long et c’est terriblement court à la fois. Cela laisse du temps pour faire beaucoup et cela passe très vite. A l’échelle d’une vie c’est très peu et pourtant ce sont des mois qui comptent triple et pendant lesquels on se sent plus que jamais « vivre ». Un concentré d’émotions, d’aventures, un condensé de vie qui donne un nouveau sens à l’existence. Des moments privilégiés pour tester de nouvelles choses, rencontrer de nouvelles personnes, dépasser ses limites.

7 mois pendant lesquels on a enfin l’impression de toucher du doigt ce que signifie le mot Liberté. Cette idée que tout, absolument TOUT est possible. (même si tout n’est pas souhaitable et que tout ne peut pas nous rendre heureux, qu’il faut faire les bons choix…)

7 mois « hors du temps », hors du quotidien et du temps qui continue selon un cours égal et paisible pour ses proches. Un temps qui n’est absolument pas « perdu », que l’on prend pour soi. Une occasion unique dans une vie de faire ce que l’on souhaite au rythme où on le souhaite.

Une « pause » dans le temps qui défile, pour faire un arrêt sur image sur un moment marquant du voyage, ou au contraire un « rewind » sur son histoire afin de comprendre qui l’on est et qu’est-ce qui fait que l’on est tel que l’on est. Une période où l’on se retrouve confronté à nos contradictions et où l’on décide de ne plus se mentir, mais de faire face à ces petites incohérences pour remettre ses valeurs au centre de ses actions.

Un temps que l’on met à profit pour essayer de profiter du moment présent sans toujours penser à l’après, pour ne plus tout organiser mais aussi apprendre à vivre au jour le jour.

Et ce proverbe africain que l’on m’a rapporté pendant mon voyage et qui continuer de me faire réfléchir: « Toi tu as une montre, moi j’ai le temps« …

 

Une renaissance?

Est-ce ce qu’un voyage tel que celui-ci change notre vie, est-ce que l’on revient différent? Oui et non. On reste un peu le même, et on change un peu aussi: on devient son vrai soi, ses propres traits de caractères sont exacerbés… pour le meilleur et pour le pire. Cela peut changer beaucoup de choses dans une vie si l’on est à l’écoute de tous ces petits signaux faibles perçus pendant le voyage: ces réflexions que l’on se fait sur la route et qui si on les développe peuvent nous conduire à un tout autre éclairage sur la vie.

Cela permet de faire évoluer nos réflexions sur de nombreux sujets. Ce voyage a par exemple continué d’ébranler mes croyances. Tant d’horreurs ont été et sont encore commises au nom des religions que je suis tentée de revenir à une croyance cosmologique, plus « basique », en la nature, en la Pachamama*. Puiser sa force de la lumière, se sentir grisée par un air frais, écouter les bruits de la nature, respecter la faune et la flore… Plus que jamais je me suis rendue compte, durant mon voyage, à quel point nous sommes petits et combien le monde est grand. Tant de choses, tant de monde, tant de beauté, un univers de découvertes à réaliser. Nous ne sommes que peu de choses dans l’immensité de l’univers et sur cette belle planète. Je reste pour autant convaincue que chaque « goutte » compte (= le comportement de chacun d’entre nous) et qu’il ne faut pas se cacher derrière la masse ( = l’effet de groupe) pour se déculpabiliser de son propre comportement. C’est, à mon sens, très vrai en matière d’écologie.

Je me rends d’autant plus compte de l’importance de protéger cette belle planète qui est la nôtre et ses habitants. J’ai conscience d’avoir beaucoup « pris » pendant 7 mois: j’en ai pris plein les yeux, j’ai vu beaucoup de belles choses, j’ai reçu beaucoup de sourires, d’aide des locaux dont j’ai croisé la route… je sais que maintenant que je suis de retour, il faut que je trouve une façon de rendre un peu de tout cela, via du temps ou des dons à des associations peut-être, et dans tous les cas, via un changement plus global de comportement.

Aller vers une consommation plus raisonnée que par le passé par exemple. J’ai réalisé que le shopping (que je pratiquais pourtant déjà assez peu, ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas une fashionista), n’est pas une activité comme les autres ou un passe-temps… C’est impliquant. J’avais déjà amorcé cette prise de conscience avant mon voyage, mais voyager avec peu de choses pendant 7 mois a permis de confirmer que les achats ne sont parfois qu’un échappatoire à l’ennui (on se promène dans un centre commercial?), à l’envie (on veut plus que ce que l’on a, mieux, plus tendance…), au manque (on compense un manque d’affection, de reconnaissance…) Ce n’est pas une solution. Il faut se poser les bonnes questions.

 

Chaque chose a sa place et chaque chose à sa place

Quelle est l’importance que j’accorde à chaque chose dans ma vie ? Voilà une des questions que je me suis beaucoup posée durant ce voyage. Qu’est-ce qui est essentiel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Loin de tout, loin du quotidien, détachée de nombreuses préoccupations matérielles, on prend du recul, on relativise, on remet les choses en perspective et tout prend un sens nouveau. Qu’est-ce qui me manque le plus durant ce voyage?

POURQUOI ?  LA question récurrente de mon voyage. Remettre en question ce que l’on fait ou ne fait pas par habitude. Je voudrais garder cette habitude du questionnement par la suite, là où dans le quotidien on oublie trop souvent de se demander pourquoi on fait les choses et pourquoi on les fait de telle façon.

Pourquoi ai-je eu la chance de vivre ce que j’ai vécu ? Il m’est souvent arrivé lors de mon voyage de mesurer à quel point je suis petite. Toute petite dans un monde de géants. J’ai rencontré tant de gens au courage exceptionnel, tant de gens au grand talent, tant de gens au parcours ou à l’histoire passionnante.. voyager pendant quelques mois parce qu’on a l’argent de le faire n’est rien en comparaison avec tout cela et il faut garder en tête de façon très humble que notre avons surtout la chance d’être né au bon endroit…

Quand on reçoit une petite somme (intéressement ou participation par exemple), on se demande souvent quel est le meilleur investissement, comment placer cet argent pour qu’il fructifie et nous rapporte. Au moment de dépenser sans vergogne plusieurs mois de salaire (alors même que je ne travaille plus et n’en perçoit donc plus), je savais déjà que je faisais là le meilleur investissement que je n’aie jamais fait jusqu’à présent. Car pour une fois, j’allais capitaliser sur moi, sur ce que j’aurais découvert et appris pendant ce voyage, sur les rencontres que j’aurais fait, sur les réflexions que je me serais faites et les questions que je me serai posées, sur le recul que j’aurais pris… Je suis revenue avec une bucket list plus fournie que jamais et il n’y avait pas que des voyages dans la liste… d’autres beaux « investissements » personnels et projets en perspective.

Ce voyage est la meilleure chose qui me soit arrivée jusqu’à présent et ce dont je suis la plus fière également. 34 ans après on est toujours aussi satisfaite quand papa et maman te disent qu’ils sont fiers de toi et de ce que tu as fait… (traduire aussi: ils sont très heureux que tu sois revenue en vie!)  Mais le plus important est que l’on fait sauter le verrou de ses croyances limitantes, et ça, ça n’a pas de prix.  

 

Revenir, c’est mourir un peu…

Si partir, c’est mourir un peu, revenir l’est tout autant! Et je pourrais dire chaque mot de ce beau poème d’Edmond Haraucourt au sujet de la fin de mon voyage. Revenir, c’est mourir un peu…

Partir, c’est mourir un peu,

C’est mourir à ce qu’on aime :   

On laisse un peu de soi-même

En toute heure et dans tout lieu.

 

C’est toujours le deuil d’un vœu,

Le dernier vers d’un poème ;

Partir, c’est mourir un peu.

C’est mourir à ce qu’on aime.

 

Et l’on part, et c’est un jeu,   

Et jusqu’à l’adieu suprême

C’est son âme que l’on sème,

Que l’on sème à chaque adieu…

Partir, c’est mourir un peu.

 

« Le Rondel de l’adieu » par Edmond Haraucourt

Le retour c’est le moment terrible de l’introspection où l’on fait le bilan ravageur de sa vie après une parenthèse enchantée durant laquelle le temps n’avait plus de prise.

Le moment où l’on se rend compte que déjà 10 ans de sa vie sont passés et que l’on n’a pas toujours construit ce que l’on voulait comme on le voulait.

Le moment où l’on réalise que l’on se sent comme un oiseau qui a goûté à la liberté et dont on aurait ensuite coupé les ailes.

Besoin de sens, besoin de changement, besoin de challenge, envie de se poser, envie de faire voler en éclat chaque partie de sa vie.

Et le quotidien écrasant qui nous rattrape et nous empêche déjà de prendre la hauteur de vue souhaitée et nécessaire.

Ce sentiment que tout est possible, qu’aucune montagne est trop haute que l’on ressent lors d’un tel voyage et qui nous quitte peu à peu au retour…

Déjà les noms de certaines personnes rencontrées lors du voyage s’effacent peu à peu et sont remplacées par le chiffre d’affaire insignifiant des marques que l’on vend …

Les photos mentales de certains instants se dissipent alors que l’on voudrait absolument se souvenir de ces petites choses et les ancrer en soi à jamais: une musique, un paysage, une odeur, une émotion…

Il est urgent de réagir, mais que faire ?

 

Une seule certitude, le retour ne doit pas être une fin, mais un nouveau départ, une nouvelle page dans l’histoire de sa vie.

Fort des moments que l’on a vécus, des cartes postales mentales que l’on a engrangées, des qualités que l’on s’est découvertes, des rencontres qui nous ont bouleversées… le retour doit ouvrir de nouveaux horizons, une perspective aux possibilités infinies.

 

*la Terre-Mère en cosmogonie andine

 

6 réponses

  1. Stéphanie dit :

    Très bel article Lise. Bisous bisous. Stephanie

  2. emilie dit :

    Que de jolis mots pour dire que ton aventure ne s’arête pas là, merci pour ces réflexions partagées. Bises

  3. Lala dit :

    On y est ! C’est bien toi que je lis….sublime et profond. Avances. Bises

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